Un autre confinement (part 14)
(Le travail en exploitation)
La vie dans l’exploitation se répartissait sur plusieurs activités. Le matin nous assistons les ouvriers de l’élevage dans l’accomplissent de leurs tâches. L’après-midi, c’était le tour des activités agricoles végétales. Nous passions le temps entre la collecte des olives et le travail de terre pour quelques hectares dédiés à la culture du blé et de la luzerne.
Lors de cette période, nous allons avoir à faire avec le gérant de la ferme qui était revenu sur place après la visite de sa fille malade à Casablanca. C’était un monsieur très particulier, il n’était ni méchant, ni gentil. Il était seulement « telligent » comme il aimait à nous le répéter. Pour lui, il était un homme éveillé qui lisait entre les lignes et savait déchiffrer tout ce qui se passait dans la ferme même en son absence.
En fait, c’était un monsieur qui avait dépassé les 70 ans de quelques années, il était marié à la sœur de l’exploitant, qui était son ami d’enfance. Il avait un parcours atypique, qui n’avait rien avoir avec le monde de l’agriculture. Jeune homme, il s’était engagé dans légion étrangère et a combattu dans les tranchées lors de la deuxième guerre mondiale et aussi lors de la guerre d’Indochine, selon ses dires. Après, son retour au Maroc, il était dégouté des affres de la guerre. Il avait ensuite fait plusieurs boulots. Seulement, après son mariage avec la sœur de son ami, ce dernier lui avait proposé de gérer ses exploitations agricoles au vue de sa sobriété et sa rigueur.
Depuis, ce temps, il était devenu le gant de velours qui gérait les moindres détails dans les fermes de son beau frère.
Notre relation avec lui était basée sur le respect sans rien de plus. Nous remplissons le travail qui nous était demandé. Nous apprenions aussi les pratiques ancestrales de l’agriculture qui s’inscrivaient lentement dans la modernité.
Parmi les grands soucis que nous avions à la ferme, c’était les conditions d’hygiène, au vue de notre habitat et aussi pour la difficulté de prendre un bain. Pour cela, il fallait descendre jusqu’à Marrakech, car la seule fois qu’on a fait l’expérience du bain à la ferme, nous étions devant une situation inédite.
Il y avait un petit bain traditionnel en face de l’étable. C’était une petite construction en terre cuite de 1 mètre et demi de hauteur et 1 mètre de diamètre sous une forme semi-ovoïde. Il fallait pour rentrer à l’intérieur se plier en deux et rester dans cette même position ou bien se mettre en position assise sur les genoux ou en tailleur. Seulement, c’était impossible, puisque cette salle de bain semi-ovoïde devenait un enfer avec les braises de bois allumées sous le parterre, qui devenait quant à lui en peu de temps outrageusement brulant pour nos petits pieds de citadins et même lorsqu’on mettait des sandales pour se protéger, l’espace était tellement chaud et suffocant que nous étions au bord de l’asphyxie. D’ailleurs, notre capacité de résistance n’a pas dépassée les cinq minutes pour chacun d’entre nous.
Pour pallier à cet handicap, nous étions obligés lors de nos passages à Marrakech de consacrer une heure d’une journée qui était assez courte, à ce rituel, ô combien réconfortant !!
Enfin, les jours se suivaient et nous étions fatigués de cette routine, et surtout des conditions assez difficiles et rudes de notre vie dans l’exploitation. Nous avions bricolé un calendrier mural sous forme de graffiti sur le mur interne de notre palace comme les graffiti carcéraux sur les murs des prisons. Et à chaque jour qui passait, nous cochons une ligne…
L’épuisement nous plongeait à la longue dans un état d’anxiété et de doute. Nous faisons même des cauchemars en pensant que ce calvaire n’allait ne jamais se terminer malgré toutes les lignes cochés des jours déjà passés. Pire encore, ce graffiti nous paraissait dans nos rêves comme neuf et que toutes les lignes sont toujours intactes comme si nous étions au premier jour du stage et que la délivrance nous semblait affreusement si lointaine.
Enfin, malgré la redondance du temps et la monotonie des journées lourdes et pesantes, nous avons surmonté cet examen sans baisser les bras ou abandonner comme des couards, une des épreuves de la vie dont nous en connaitrons d’autres sur le chemin du destin comme me l’avait bien prédit la cartomancienne de la place Jamâa El Fna.
Avant notre départ, nous sommes partis pour notre dernière visite au Souk et cette fois ci non pour acheter les munitions de la semaine mais plus pour rencontrer quelques camardes et surtout faire notre Adieu avec ce monde pittoresque.
Comme évoqué auparavant, nous allons connaître une autre fois, une nouvelle aventure qui va nous marquer !!
A suivre
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